Pilotage & analyse des risques post-loi Lemoine en Assurance Emprunteur

Les offres d’assurance emprunteur sans sélection médicale sur les crédits immobiliers sont nées avec la prise d’effet en juin 2022 de la loi Lemoine, loi visant à  et garantir un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur. Outre la suppression du questionnaire de santé pour les prêts de moins de 200K€ dont le terme intervient avant les 60 ans de l’emprunteur, la loi donne la faculté à l’emprunteur de résilier son assurance de prêt à tout moment.

Ces évolutions ont mécaniquement accru :

  • le risque de souscription sur le segment sans sélection médicale. Ce segment est relativement substantiel car il représente environ 1 contrat sur 4 sur le marché « primaire » et un peu plus d’1 contrat sur 3 sur le marché de la substitution,
  • le risque de résiliation anticipée sur tous les segments consécutif à la résiliation infra-annuelle.

L’importance de ces risques et leurs périmètres obligent naturellement les actuaires à améliorer et à adapter tous leurs systèmes de pilotage.

Quels sont les indicateurs à piloter ?

En premier lieu, il sera essentiel d’analyser l’évolution du profil des affaires nouvelles suite la mise en place de la loi Lemoine.

Les indicateurs suivants devront faire l'objet d'une attention particulière :
- Le profil des assurés du bloc Lemoine sans sélection devra être comparé à celui des assurés en dehors du bloc Lemoine,
- La distribution par garantie, en particulier le taux de souscription à la garantie arrêt de travail et aux options de garantie rachetable (ex MNO),
- La distribution par montant et durée des prêts, en particulier les adhésions autour du seuil de 200k€ de capitaux assurés,
- La distribution par type et objet de prêts, en particulier la part des investissements locatifs, des prêts travaux et des RAC immobilier,
- La distribution entre les affaires « marché primaire » et les affaires « en substitution »dont on peut supposer que les assurés viennent chercher un prix et/ou des améliorations de garantie.

Ces éléments constitutifs des portefeuilles nous semblent pertinents à suivre sur la durée, notamment pour identifier d'éventuelles tendances permettant d’expliquer a posteriori l’évolution de la sinistralité (mortalité, morbidité, chute)

Concernant l'analyse de la sinistralité, une comparaison avant et après la mise en œuvre de la loi sur un périmètre identique peut être envisagée. Il semble également approprié d'examiner la sinistralité du bloc Lemoine sans sélection par rapport à celle du reste du portefeuille. Outre les taux d’incidences par risque, les causes des sinistres arrêt de travail et le poids des sinistres précoces devront être analysés.

Points de vigilance

La loi ayant pris effet en 2022, les actuaires disposent pour le moment de peu de recul sur le segment sans sélection médicale, ce qui limite la crédibilité de l’analyse notamment sur les portefeuilles de taille modeste. La baisse des volumes de production observée à partir de 2023 consécutive à la hausse des taux d’intérêt a fortement diminué le poids des générations les plus récentes dans le portefeuille et donc la part des contrats sans sélection médicale. Il pourrait être nécessaire d'accorder une attention accrue si le contexte économique redevenait plus favorable aux emprunteurs, les banques pouvant appliquer une politique d'évaluation des dossiers de prêt immobilier moins strictes.

Au-delà du suivi de ces indicateurs quantitatifs, il sera aussi nécessaire de contrôler l’existence de biais potentiels ayant pour origine la stratégie commerciale de la compagnie (volonté ou non d’accroître sa part de marché sur le segment Lemoine) ou la position relative de la compagnie par rapport à ses concurrents (tarifs, niveaux de couvertures, etc…) ou encore la politique de distribution par les apporteurs.

Les façons d'appréhender les risques seront également différentes selon que l'on soit un acteur avec une forte surface de mutualisation ou assureur individuel qui segmente avec un équilibre économique plus fragile. Cela pourra se traduire par une revue technique plus fréquente et des model points d’analyse plus fins.

Et après ?

A mesure que le segment Lemoine gagnera en importance dans les portefeuilles, il sera intéressant d'observer si la sinistralité effective validera ou pas les hypothèses de majoration tarifaire adoptées par la majorité des acteurs du marché (entre 10% et 30%). Les conclusions de cette analyse pourraient permettre d’envisager sereinement des évolutions sur les limites utilisées pour définir le segment Lemoine.

Le groupe de travail « Assurance des Emprunteurs » de l’Institut des actuaires vous tiendra informés de l’avancement de ces travaux et de ces analyses.